Produite par le Théâtre régional Kateb Yacine de Tizi Ouzou, la pièce « Aɣeṛṛabu N Kayan » (Le Bateau de Cayenne), présentée le 25 décembre 2024 au Théâtre national algérien Mahieddine Bachtarzi (TNA), a plongé le public dans les méandres de l’histoire algérienne. Inscrite dans le cadre de la 17e édition du Festival national du théâtre professionnel (FNTP), cette œuvre dramatique décrit les sacrifices du peuple algérien face à l’occupation coloniale.
En quatre actes et plusieurs tableaux, la pièce explore la résistance des habitants de la Kabylie au 19e siècle, à une époque où les exactions coloniales étaient à leur apogée. Écrite par Belkacem Meghzouchene et mise en scène par Abdennour Yessad, elle revient sur un épisode sombre mais peu évoqué. Il s’agit de la déportation des résistants algériens vers la Nouvelle-Calédonie, surnommée « Cayenne », un exil imposé par l’administration coloniale pour briser les élans révolutionnaires. La pièce relate avec intensité le destin tragique des résistants algériens déportés dans des bagnes flottants, sous la conduite de figures emblématiques telles que Cheikh El Mokrani, son frère Boumezrag, et Cheikh Ahaddad, qui avaient osé défier l’administration coloniale.
Le récit, tout en tragédie et en épopée, montre la résilience de ces hommes et femmes face à une répression brutale. À travers les personnages, le texte offre un regard humaniste et universel sur le prix de la liberté et la lutte contre l’injustice. « Le Bateau de Cayenne » ne se limite pas à une reconstitution historique. La pièce résonne comme un rappel intemporel de la nécessité de préserver la mémoire collective. En donnant vie aux souffrances et aux espoirs des résistants, elle interroge sur la transmission des luttes aux générations futures.
La pièce met en lumière le rôle important des femmes algériennes, souvent marginalisées dans les récits historiques. Présentées comme des piliers de la résistance, elles se tiennent aux côtés des hommes, soutenant et combattant avec détermination, incarnant à la fois force et dignité. Conçue par Hamza Djaballah, la scénographie se distingue par des éléments visuels saisissants, tels qu’un métier à tisser géant, des chandelles et un bateau à voile qui se dévoilent progressivement. Ces symboles chargés de mémoire et d’émotion instaurent une ambiance immersive, structurant l’espace scénique tout en renforçant la profondeur du récit. La chorégraphie, signée Khadija Guemiri, inspirée des danses traditionnelles kabyles, les mouvements des danseurs ajoutent une dimension visuelle et émotionnelle aux moments de tension dramatique.