Le théâtre régional d’Oum El Bouaghi a présenté, le 24 décembre 2024, dans le cadre de la compétition officielle du 17e Festival National du Théâtre Professionnel (FNTP), la pièce « El Aâidoune min el harb » (Les revenants de la guerre). Mise en scène par Lahcene Chiba et écrite par Kheireddine Belkadi, ce drame explore les dilemmes moraux, les cicatrices invisibles laissées par la guerre et les complexités d’une réconciliation nationale dans un contexte où le passé refuse de s’effacer.
La pièce s’ouvre dans le salon du général Moussa, un ancien officier qui semble s’être adapté à une nouvelle ère de paix instaurée par l’État après une guerre dévastatrice. Cependant, cet équilibre apparent est rapidement ébranlé par Abou Farès, un autre vétéran, qui remet en question la sincérité de cette paix, dénonçant son caractère superficiel et illusoire. Ce point de départ place la pièce dans un contexte où les tensions entre mémoire, réconciliation et justice restent vives, mettant en lumière les fractures laissées par un passé récent.
La pièce explore les cicatrices laissées par les conflits, non seulement sur les corps, mais aussi sur les âmes et les sociétés.
Le personnage de Moussa (Abdeladim Khomri) incarne le pouvoir autoritaire et les zones d’ombre d’une société en quête de reconstruction après un conflit. À ses côtés, des figures comme Gordy, un serviteur dévoué jusqu’à l’extrême par appât du gain, représentent la soumission et l’avidité opportuniste. Ces protagonistes s’opposent à la figure absente mais omniprésente de Platonov, un héros tombé sur le champ de bataille, dont la mort tragique symbolise le sort des justes dans des systèmes gangrenés par la trahison et la manipulation.
En parallèle, Zineb apporte une perspective différente, marquée par une profonde douleur psychologique liée à la perte de son époux. Avant sa mort, ce dernier lui avait confié que chacun mène sa propre guerre à sa manière, une idée qui continue de hanter Zineb. Trouvant en Moussa une figure de mentor, elle tente de reconstruire sa vie et de retrouver une forme de résilience. Pourtant, au fil de l’intrigue, il devient clair que Zineb est animée par une quête personnelle inébranlable : venger la mort de son mari. Sa vengeance, qu’elle parvient finalement à accomplir, se déploie dans un dénouement chargé d’une douleur sourde mêlée à une satisfaction amère.
La pièce pousse également le spectateur à réfléchir sur les défis liés à la reconstruction après une guerre, les concessions nécessaires à une paix fragile et les dilemmes moraux qui surgissent dans un contexte de réconciliation nationale. En évitant de dresser un portrait manichéen de ses personnages, elle ouvre la voie à une réflexion plus subtile, où chaque choix et chaque action sont marqués par des blessures profondes, souvent invisibles mais toujours présentes.
