Essakia : la voix des héroïnes dans la tourmente de l’Histoire

Dans une salle vibrante d’émotion et d’histoire, le Théâtre national algérien Mahieddine-Bachtarzi a accueilli, ce samedi après-midi, la poignante pièce « Essakia – Les glorieux ne meurent pas ».
Dernière production du Théâtre régional de Souk Ahras, cette œuvre présentée en compétition dans le cadre du 17e festival national du théâtre professionnel, a été montée dans le cadre des festivités marquant le 70e anniversaire du déclenchement de la guerre de libération nationale.
Le public, nombreux et captivé, a plongé dans le récit des massacres de Sakiet Sidi Youcef, tragédie inoubliable orchestrée par l’armée française un certain samedi 8 février 1958. Ce drame historique a été revisité avec une sensibilité rare par la jeune metteuse en scène Soumia Bounab, sous la supervision artistique de Ryad Beroual, dans un hommage vibrant à l’héroïsme des Algériens dans les villages sur les frontières algéro-tunisiennes.
Au cœur de cette fresque, Rebiha, interprétée avec une intensité remarquable par Lydia Laarini, incarne la force et la résilience féminines face à l’adversité. Veuve de martyr, elle envoie son fils Khelifa, joué par Sifeddine Berkani, rejoindre le maquis, avant de voir sa fille s’engager auprès du Croissant-Rouge tunisien, symbole de solidarité et d’espoir dans l’effroi. Rebiha, figure centrale et lumineuse, traverse avec dignité les épreuves d’une société en lutte, faisant écho à l’histoire collective de milliers de femmes ayant pris part à la libération nationale.
La scénographie, conçue par Zine El Abidine Khettab, transporte le spectateur dans trois univers successifs : l’intimité d’une maison, l’effervescence d’un marché villageois, et les ombres du maquis. Chaque décor, minutieusement élaboré, restitue l’âme du récit, tandis que les dialogues, portés par un arabe dialectal vivant, résonnent comme des chants de mémoire. La pièce, ponctuée de chants patriotiques, a captivé l’audience durant ses 63 minutes haletantes, grâce à une distribution composée principalement de comédiens de Souk Ahras, mais également de Tébessa, Oum El Bouaghi et Guelma.
Dans un final bouleversant, Khelifa succombe sous la torture, tandis que Rbiha entonne un chant patriotique vibrant, ultime hommage aux sacrifices consentis pour la liberté.
Optant pour un prisme familial et humain, la metteuse en scène donne une voix puissante à ces femmes qui, en l’absence des hommes partis combattre, ont porté sur leurs épaules le poids de la résistance. « La lutte de Rbiha reflète celle de toutes les épouses, mères et sœurs durant la guerre de libération nationale. Ces femmes ont surmonté leurs peurs, résisté avec bravoure, et franchi les frontières pour contribuer à la souveraineté nationale », a-t-elle souligné en marge du débat qui a suivi le spectacle.
La pièce longtemps saluée par les présents à ce spectacle est une première pour la metteuse en scène qui avait auparavant expérimenté la critique et l’actorat. Le jeune metteuse en scène appelle les autres femmes à oser et à investir ce domaine qui reste masculin globalement.