« Kalima » : Hommage théâtral aux députés algériens de l’Assemblée française de 1947

Le Théâtre régional de Sidi Bel Abbès a présenté ce vendredi 27 décembre une nouvelle création intitulée « Kalima » (Parole) au Théâtre National Mahieddine Bachtarzi (TNA). Cette représentation s’inscrivait dans le cadre du 17ème Festival National du Théâtre Professionnel, rassemblant des passionnés et des critiques de tout le pays.
Conçue par Abdelkader Djeriou, avec une scénographie signée Hamza Djaballah et une mise en scène exécutive d’Abdallah Merbbouh, Kalima s’inscrit dans la tradition d’une forme du théâtre documentaire. La pièce retrace un moment clé de l’histoire algérienne : les interventions des députés algériens devant l’Assemblée Nationale Française le 20 août 1947. Ce jour-là, Ahmed Mezghana, Messaoud Boukadoum, Djamel Derdour et Mohamed Lamine Debaghine ont réfuté le nouveau projet de loi sur l’Algérie et plaidé pour une Assemblée nationale constituante ainsi que l’indépendance du peuple algérien.
Une reconstitution historique marquante
Sur scène, les plaidoiries des quatre figures emblématiques du mouvement national prennent vie, reflétant à la fois la détermination des leaders algériens et les stratégies du colonisateur pour piller les ressources du pays. L’histoire est éclairée par des projections à l’aide d’un data show, permettant de replacer ces discours dans leur contexte historique tout en mettant en lumière l’ampleur de l’oppression coloniale. « Ce que nous avons cherché à accomplir, c’est un équilibre entre fidélité historique et expression théâtrale », a expliqué Abdelkader Djeriou lors du débat qui a suivi la représentation.
« Nous avons voulu rendre hommage à ces quatre Algériens qui ont exigé l’indépendance de l’Algérie, sept ans avant le déclenchement de la Guerre de Libération Nationale. Comme dans toutes mes pièces, mon grand objectif était de ramener ces figures historiques dans la réalité contemporaine. Maintenant, c’est au public de juger ce qui a bien fonctionné et ce qui ne l’a pas », a-t-il ajouté.
Lors du débat, les réactions des critiques ont été diverses. Hmida Layachi, journaliste et critique de théâtre, a salué l’initiative, mettant en avant le rôle des élites dans la lutte pour l’indépendance. « Ce genre de théâtre documentaire jette une lumière essentielle sur les souffrances du peuple pendant la guerre de libération nationale », a-t-il déclaré.
En revanche, Moahmed Lamine Bahri, un universitaire, a reproché au spectacle de ne pas avoir réussi à captiver pleinement le public. « Le texte contenait trop de narration, parfois ennuyeuse, ce qui a créé une certaine distance avec les spectateurs », a-t-il estimé.
Pour Ghaouti Azri, ancien directeur du Théâtre régional d’Oran, il est regrettable que certaines tentatives d’islamisation de la révolution soient perceptibles dans la pièce. « La guerre de libération n’appartient pas à un seul homme ou à une seule idéologie. Elle est le fruit d’un effort collectif de toutes les couches de la société », a-t-il affirmé, un point de vue appuyé par la militante Fadila Hachemaoui.
Abdelkader Djeriou a répondu à ces critiques en soulignant « le rôle fédérateur de la religion dans la mobilisation de toutes les composantes de la société algérienne ».  Avec Kalima, le Théâtre régional de Sidi Bel Abbès offre une réflexion sur l’histoire algérienne, tout en soulevant des questions sur la mémoire collective et la manière de la représenter. Si certains choix artistiques ont suscité des critiques, ils ont aussi ouvert un dialogue riche et nécessaire sur l’héritage de la lutte pour l’indépendance. Une œuvre qui, par son ambition, ne laisse personne indifférent.