Khaled Ouanouki, metteur en scène Raconter l’irrationalité de la peur

Parlez-nous de votre choix du thème de la peur…

La pièce repose sur deux nouvelles du dramaturge russe Anton Tchekhov, qui abordent le thème de la peur sous deux angles complémentaires : la peur de l’autre et la peur pour l’autre. Cette dualité est au cœur de la condition humaine. Nous, Algériens, avons nos angoisses. Nous vivons souvent dans la peur de l’avenir, de ce que nous mangeons, buvons, de ce que nous portons ou encore de l’endroit où nous allons. Ces peurs, parfois invisibles, sont souvent irrationnelles, mais elles façonnent néanmoins notre quotidien. Comme le dit Tchekhov lui-même, la peur n’existe pas intrinsèquement ; elle est une construction de l’esprit humain. Le romancier brésilien Paulo Coelho résume bien cette idée lorsqu’il dit que la peur ne t’empêchera pas de mourir, elle t’empêche de vivre. La peur est donc un obstacle qui nous prive de nombreux plaisirs de la vie, qu’il s’agisse de l’amour, de la joie ou de la liberté d’exister pleinement. Dans notre pièce, nous avons essayé de poser cette idée sans fournir de réponses toutes faites. Nous avons laissé cette réflexion ouverte, afin que le public puisse y trouver ses propres interprétations.

Pourquoi avoir combiné deux histoires en une seule pièce ?

La fusion de ces deux récits en une seule est née d’une réflexion créative. C’est une expérience. En tant que comédien, j’ai joué dans les deux pièces séparément, et je sentais qu’il y avait une complémentarité entre elles, un fil conducteur qui les reliait. J’ai eu ensuite l’opportunité de le faire et de concrétiser cette idée qui mûrissait en moi depuis des années.

Pourriez-vous revenir sur votre vision artistique pour ce spectacle ?

Le spectacle que nous avons conçu utilise le concept du « théâtre dans le théâtre », et met en scène quatre jeunes acteurs autour de l’univers de Tchekhov, dans un cadre qui mélange différentes temporalités et espaces. Nous avons introduit des interférences comiques entre les personnages, créant ainsi des tensions qui découlent de leurs oppositions et de leurs dualités. Chaque duo de personnages semble chercher à annihiler l’autre. L’idée aussi est de tenter de briser la monotonie souvent associée à l’œuvre de Tchekhov, qui peut parfois sembler pesante en raison de la profondeur de ses thèmes psychologiques. C’est une manière de rendre son œuvre plus accessible.