L’association Cartena de Mostaganem a présenté, mardi 24 décembre à 15h, à la grande salle Mustapha-Kateb du Théâtre national algérien Mahieddine-Bachtarzi (TNA), la pièce « Ma qabl el Masrah » (Avant-théâtre), dans le cadre de la compétition de la 17e édition du Festival national du théâtre professionnel d’Alger (FNTP) qui se poursuit jusqu’au 30 décembre 2024.
Ce spectacle s’inscrit dans une tradition de recherche théâtrale audacieuse, qui mêle questionnements contemporains, modernité et réflexion profonde sur la condition humaine. Cette pièce, mise en scène par Saïd Zakaria d’après le texte éponyme du défunt dramaturge et metteur en scène Ould Abderrahmane Kaki, a décroché sa place dans la compétition du FNTP après avoir remporté le premier prix lors de la 14e édition du Festival local du théâtre professionnel de Sidi Bel-Abbès, en juillet 2024.
Ce spectacle, qui s’articule autour de trois tableaux distincts, est un véritable hommage à l’art théâtral et à la capacité du comédien à incarner des personnages aussi profonds que contradictoires. C’est à la fois une performance et un exercice de style. La représentation a emporté les spectateurs dans l’énergie captivante de la dizaine de comédiens sur scène et de l’orchestre qui les a accompagnés. La scénographie, signée Said Yacine, était riche visuellement et symboliquement, tandis que la chorégraphie d’Abdelouahab Tarek s’est fait le prolongement du discours dramatique.
« Le voyage », « Le filet » et « La grotte »
Le spectacle se compose de trois tableaux à savoir, « Le voyage », « Le filet » et « La grotte ». Le premier tableau s’intéresse à l’itinéraire intérieur d’un artiste. Ce dernier se trouve pris entre les polarités du rêve et de la réalité, du succès et du désespoir. Son parcours est celui de la quête de vérité, où l’art devient un moyen d’expression mais aussi une torture. A travers ses toiles, cet artiste tente de capturer l’essence du monde, mais se heurte à une profonde crise existentielle. Le personnage sombre alors dans le désespoir, déchiré par un conflit intérieur qui touche à la fois sa vision du monde, sa foi et son identité culturelle. Cet échec artistique se traduit par un échec plus large dans sa quête de paix intérieure, et, au-delà de l’individu, cette partie interroge l’absurdité de la condition humaine.
Dans le deuxième tableau, « Le filet », la pièce prend un tournant plus social et symbolique. Le personnage central, un pêcheur, incarne la souffrance d’un homme pris dans les rouages de la société, de ses injustices et de ses pressions. Le filet, symbole central de cette partie, divise la scène en deux mondes : celui des comédiens et celui du public. Il devient un obstacle insurmontable que le pêcheur tente, sans succès, d’abattre. Ce filet représente l’impérialisme, mais aussi les forces invisibles qui étouffent l’individu dans sa quête de liberté et de dignité. Ce combat désespéré du pêcheur soulève des questions profondes sur la condition humaine, la lutte pour l’émancipation et la quête de sens dans un monde hostile.
Les chercheurs d’or
Le dernier tableau, « La grotte », plonge le spectateur dans l’univers des chercheurs d’or. Ces hommes, mus par un désir insatiable de richesse et de gloire, s’enfoncent dans les recoins les plus reculés de la terre, symboles de l’homme prêt à tout sacrifier pour atteindre ses objectifs. Mais leur quête n’est qu’illusion. La grotte, tout comme l’or, représente cette quête absurde du bonheur et du pouvoir, qui ne mène qu’à la perte et à la désillusion. Ce dernier tableau conclut la pièce sur une note mélancolique, soulignant la tragédie universelle de l’homme face à ses désirs.
Ce qui unit les trois tableaux, bien que chacun aborde un thème différent, c’est cette lutte intérieure et extérieure qui caractérise le parcours humain. Chaque section du spectacle se distingue par sa singularité, mais l’enchaînement des événements s’opère de manière fluide, unissant les personnages et les situations dans une même dynamique de résistance face aux forces qui les écrasent. L’expression corporelle et la musique prennent le relais de la parole, apportant une dimension supplémentaire à la narration. La mise en scène joue sur les silences, les gestes et les mouvements, transformant le théâtre en un espace où les sens sont constamment sollicités. Cette pièce a, par ailleurs, été interprétée par une pléiade de jeunes comédiens, dont Boukedjara Azzedine, Medjahed Ahlem, Tahiri Abdelhak, Lebkaa Nour El Houda, Bourahla Sihem, Zareê Khadidja, ou encore Belkacem Takieddine Akram.