La grande salle Mustapha-Kateb du Théâtre national algérien Mahieddine-Bachtarzi (TNA) a accueilli, vendredi 27 décembre à 21h, la représentation de la pièce « Ountha el Djinn », à la faveur de la compétition du 17e Festival national du théâtre professionnel d’Alger (FNTP).
Produite par le Théâtre régional Djilali-Ben Abdelhalim de Mostaganem, écrite et mise en scène par Haroun El Kilani, cette œuvre plonge dans les recoins les plus sombres de l’âme humaine, là où la fragilité et le chaos se mêlent, pour aborder le thème puissant et complexe de la possession.
L’histoire suit Fadwa, interprétée avec talent par Feriel Madjadji, une jeune fille tourmentée par trois djinns maléfiques : Abraïl (incarné par Abdelkader Maarouf), Massaï (Nour El Houda Lebgaâ) et Ioud (Ahmed Ben Tahar), qui prennent possession de son esprit et l’enfermement dans un corps en souffrance. Dans ses rares moments de lucidité, Fadwa tente de se ressaisir pour affronter ces démons qui se nourrissent de sa douleur et se délectent de sa souffrance.
Les croyances profanes teintées de bigoterie de sa mère, profondément ancrées dans les préoccupations terrestres et axées sur l’imploration des saints plutôt que Dieu, maintiennent Fadwa éloignée du chemin du Créateur. Chaque jour, elle sombre davantage, pendant la notion du temps et de l’espace, piégée dans un monde peuplé de créatures malveillantes. Après plusieurs échecs dans les tentatives de guérison, sa mère décide de faire appel à un raqi (incarné par Anas Ziane) pour réaliser un exorcisme. Cependant, ce dernier échoue également, lui-même tourmenté par les esprits qui hantent Fadwa. Pris par un amour impuissant, il ne parvient pas à apaiser la jeune femme, et l’espoir s’amenuise. Le dernier recours pour Fadwa semble être le chemin de Dieu, une voie vers la l’apaisement et la guérison.
« Ountha el Djinn » offre deux niveaux de lecture. Le premier, porté par l’atmosphère générale de la pièce, nous plonge dans l’univers de la possession et de l’exorcisme, un sujet tabou, mais profondément ancré dans certaines croyances sociales. Le deuxième niveau révèle un parcours initiatique, un chemin vers la Vérité, semblable à celui des traditions confrériques soufies, où l’adepte passe par plusieurs étapes dans son initiation pour atteindre la complétude. En tant que spectateur, nous nous trouvons dans l’esprit même du personnage, voyant le monde extérieur à travers ses lamentations et ses échanges avec le raqi. La maladie de l’âme de Fadwa pourrait être liée à son désir inassouvi de maternité, à sa jalousie envers les autres femmes mariées, ou aux propos du raqi qui la décrit comme ensorcelée. Et si Fadwa était la plus raisonnable d’entre tous ? Si son chemin de croix n’était, en réalité, que le reflet de la grandeur de son âme ? Ce sont ces interrogations, et bien d’autres encore, qui traversent la pièce de Haroun El Kilani. La scénographie épurée de Zine El Abidine Khattab participe à l’ambiance pensante, nous immergeant dans l’univers mental du personnage principal.
« Ountha el Djinn » est à la fois une exploration de la possession, une réflexion sur la dualité entre souffrance et salut, où chaque souffrance pourrait être un pas vers la rédemption, et chaque épreuve une porte vers la lumière divine.
